Notre dernière tentative d’adoption s’était soldée par un échec, alors comment pouvions-nous croire que cette fois-ci était la bonne!
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par *Clare, une enfant adoptée au Canada
J’avais trois ans quand on m’a mis en foyer d’accueil et sept ans quand j’ai été adoptée. Tout ce dont je me souviens de cette période est sept ans de négligence, d’abus, de faim et de difficultés. Dans la maison où nous étions nés, mon frère, mes sœurs et moi vivions dans un environnement très instable. Après notre placement en famille d’accueil, nous avons déménagé à cinq reprises.
Lorsque j’ai fait la connaissance de ma famille actuelle, nous venions d’être retirés d’une maison qui était censée être permanente. Pendant un an et demi, nous avons vécu avec un couple qui avait un plan d’adoption, et ils nous ont demandé de les appeler tous les deux « papa ». On nous avait dit que nous serions avec eux pour toujours. Mon frère et mes sœurs vivaient beaucoup de difficultés (y compris l’ETCAF), nous étions turbulents et ces parents ne savaient plus quoi faire avec nous, ce qui fait qu’ils sont devenus violents. Même face à l’abus, nous les aimions quand même et avons tenté de nous acclimater. Il était pourtant si difficile pour nous de bien nous comporter et d’être calmes, à cause de notre nervosité constante et parce que nous n’étions pas du tout équipés pour faire face à toutes les émotions que nous vivions. Et puis un jour tout a basculé. Je ne me rappelle pas de tout, c’était il y a si longtemps, mais les souvenirs les plus douloureux, ceux-là je m’en souviens. Ce matin-là, en partant pour l’école, il y avait une nouvelle pancarte « À vendre » sur le terrain, et jamais je n’ai remis les pieds dans cette maison. Le couple nous a laissés à l’école, les larmes aux yeux, et ils nous ont dit « Au revoir ».
Par chance, nos anciens parents nourriciers, que nous appelions grand-maman et grand-papa, nous ont ramassés après l’école. Nous sommes restés avec eux pendant six mois jusqu’à ce qu’on nous présente à un couple et leurs deux fils. Ils ont commencé à nous rendre visite, et un jour ils nous ont demandé si nous voulions être adoptés par eux. Très rapidement, encore une fois, toutes nos affaires ont été déménagées dans un autre endroit inconnu. Nous les connaissions depuis très peu de temps, pour nous ils étaient de parfaits inconnus, mais nous désirions avoir un foyer permanent. Tout était nouveau : une nouvelle maison, un nouveau lit, de nouvelles odeurs, de nouvelles personnes, incluant deux que nous étions censés appeler « Papa » et « Maman ».
Pendant toutes ces années passées en foyer d’accueil j’ai pensé que chaque maison dans laquelle j’atterrissais serait la bonne, mais chaque fois, on finissait par me chasser. Mon frère, mes sœurs et moi éprouvions d’énormes difficultés à accorder notre confiance. Nous avions peur d’être encore abandonnés, de nous séparer de choses que nous avions appris à aimer, et par-dessus tout, nous avions des blessures au cerveau et à l’âme qui nous paraissaient impossibles à guérir. Comment allions-nous bien faire pour entamer une nouvelle vie?
Alors nous avons testé nos nouveaux parents pour voir s’ils nous aimaient vraiment, pour voir qu’est-ce qu’il faudrait faire pour qu’ils nous renvoient comme les autres l’avaient fait. Mon frère et mes sœurs hurlaient, tirant à boulets rouges sur nos parents comme s’ils étaient nos ennemis jurés. Ils les ont mordus, frappés et menacés. Ils ont crié à en vomir. Ils ont saccagé la maison. Ils ont même menacé de se tuer et agi de manière à être pris très au sérieux. J’étais plus tranquille qu’eux, mais je souffrais horriblement d’anxiété. Le chaos régnait jour et nuit.
Voici ce que je veux que les gens sachent : l’adoption n’est pas une partie de plaisir! C’est une expérience vraiment effrayante, particulièrement au début. Même si la première année fut la plus difficile, trois ans ont été nécessaires avant que notre drame s’estompe. Par chance, pendant ce temps, ma mère a pu rester à la maison avec nous. Il le fallait, car l’école l’appelait constamment à cause de nos problèmes et nous avions beaucoup de rendez-vous avec des spécialistes. Huit ans se sont écoulés depuis, et ma mère estimait qu’elle ne pouvait pas retourner sur le marché du travail, car mon frère et mes sœurs avaient constamment besoin de la présence d’un adulte, que ce soit pour aller chez le docteur ou pour voir un spécialiste, ou parce qu’elle avait des rencontres concernant des plans d’enseignement individualisé ou pour régler des problèmes de comportement.
Aucune gardienne ne réussissait à venir à bout de mon frère et de mes sœurs qui se sauvaient ou se faisaient du mal intentionnellement. Mon père a pris congé à l’occasion, mais personne ne pouvait le remplacer à son travail, et avec la grosse famille que nous étions, il fallait bien que quelqu’un paie les factures. Pourtant, papa passait autant de soirées et de fins de semaine avec nous qu’il le pouvait, malgré sa fatigue. Il jouait avec nous et ramassait les pots cassés après nos épisodes colériques.
Grâce à tout le temps passé avec nous—de mon père qui partait plus tôt du travail pour rencontrer un professeur, de ma mère qui restait à la maison pour s’occuper de nous quand nous étions malades–, nous avons appris à nous faire confiance mutuellement et à nous comprendre. Se refaire une vie requiert beaucoup de temps et de détermination. Je me trouvais avec ma dernière « famille supposément permanente » depuis un an et demi avant que nous nous puissions commencer à croire que cette fois-ci ça pouvait être la bonne. Le temps a passé et nos parents ont continué de nous aimer peu importe les conneries que nous faisions, et graduellement nous avons commencé à ressentir que c’était vraiment pour toujours.
Les enfants qui ont traversé beaucoup d’épreuves méritent d’avoir leurs parents avec eux à la maison au début afin qu’ils puissent tisser des liens et régler leurs problèmes ensemble. Ainsi ils pourront enfin avoir la famille heureuse dont ils ont toujours rêvé.
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